PREMIÈRE PARTIE : Apprendre de la dinde.
« La race humaine souffre d’une sous-estimation chronique de la possibilité que l’avenir prenne un autre cours que celui qu’elle a initialement envisagé (outre d’autres biais qui viennent s’y ajouter et font parfois boule de neige). » p.193,l.31 Hasard : De l’arabe Az-zahr (qui implique aléatoire : c’est-à-dire qu’il est possible de l’interpréter). Cygne Noir : Est un événement rare, fortuit, imprévu et non quantifiable. Qu’est-ce qu’un Cygne Noir? Il présente trois caractéristiques : -C’est une aberration (en dehors des attentes ordinaires et de ce que l’on croit prévisible). -Son impact est extrêmement fort -En dépit de son statut d’aberration, notre nature humaine nous pousse à élaborer après coup des explications pour rendre le phénomène explicable et prévisible. Notre savoir est fragile : pendant longtemps on croyait que tous les cygnes étaient blancs parce toute la population observée était blanche. Hors, la vue d’un seul cygne noir suffit à prouver que tous les cygnes ne sont pas blancs. Cette situation est arrivée lors de l’exploration de l’Australie. Taleb aborde notre cécité face au hasard et aux événements importants. Nos systèmes de raisonnement et d’information nous cachent l’essentiel. Concrètement, lire quotidiennement le journal amoindrit notre connaissance du monde. Tout comme écouter un professeur qui a des explications causales simples pour des phénomènes complexes. L’être humain apprend à partir de la répétition et il est très mal outillé pour comprendre des phénomènes ou des événements sans précédent. Nos systèmes financiers, politiques et économiques sont construits pour bien répondre à la dernière crise et non pas à la prochaine. L’erreur de raisonnement et la confiance aveugle dans un système fait en sorte que nous croyons que le prochain problème présentera des caractéristiques similaires au problèmes le plus importants jamais rencontré. C'est le problème soulevé par Lucrèce. Le philosophe latin considérait comme un idiot celui qui qualifiait de « plus haute du monde » la montagne qu'il venait de voir. Les extrêmes n'apparaissent pas à l'oeil nu, ils sont même invisibles[1]. L’important est donc de s’outiller pour se prémunir contre l’invisible et de s’éloigner de la confiance aveugle dans les systèmes en place. Il faut explorer, ouvrir se poser les questions difficiles. C’est toute la différence entre une bibliothèque et une antibibliothèque. Une antibibliothèque est un outil de recherche, car elle contient essentiellement des livres que l’on n’a pas lus. Taleb raconte que l'auteur Umberto Eco classe ses visiteurs en deux catégories : ceux qui comprennent le concept et ceux qui croient qu'une bibliothèque sert à étaler nos connaissances. Ce dernier possède une bibliothèque de quelques 30,000 livres. À défaut d’avoir une antibibliothèque, il faut apprendre de la dinde. Ce qu’il faut apprendre de la dinde Taleb explique le problème de la connaissance inductive (une contribution du philosophe Bertrand Russel). Ce principe va comme suit : nous tirons nos connaissances à partir des observations quotidiennes. On tire des leçons ou des règles à partir des observations pour construire un modèle qui sert ensuite pour prédire le futur. Plus l’observation peut se répéter dans un contexte semblable, plus le modèle nous semble solide. C’est un peu la base de la méthode scientifique. Et la dinde? La dinde se fait nourrir chaque jour par un humain et elle en tire des observations pour ensuite déduire un modèle. Elle agit conformément à son modèle théorique jusqu’à la veille de Noël où il arrive alors un événement surprenant. C’est un des problèmes de notre connaissance du monde et de la méthode scientifique ; chaque observation tend à confirmer la suivante. Le paradoxe de la dinde est précisément que le sentiment de sécurité de l'animal devait croître avec le temps pour atteindre son zénith juste avant Noël. Tristement, plus le danger approche et plus elle est confiante! L’esprit est paresseux et remettre les modèles en question est un exercice difficile. Prenons le brave capitaine E.J. Smith, possiblement le dindon les plus célèbres de l’histoire maritime : « Mais de toute ma carrière, je n’ai jamais connu d’accident […] d’aucune sorte qui vaille la peine d’être mentionné. Pendant toutes ces années passées en mer, je n’ai vu qu’un seul navire en détresse. Je n’ai jamais vu de bateau échoué et je n’ai jamais échoué moi-même, ni été dans une situation difficile qui menaçait de tourner au désastre. » E.J. Smith, 1907, capitaine du Titanic. L’erreur de la flèche inversée Cette erreur est commune justement parce que l’esprit est paresseux. La répétition d’une observation tend à pousser une forme de biais de confirmation. Autrement dit, tu vois ce que tu voudrais voir. « Tous les cygnes sont blancs » ne prouve pas que les cygnes noirs n’existent pas. Cet exemple peut être difficile à comprendre. Le raisonnement « je suis vivant chaque jour de ma vie, je suis donc immortel » est une aberration évidente. C’est un saut de logique qui me fait commettre une erreur. Une flèche pointe dans une direction (je suis vivant chaque jour) et je la fais bêtement pointer dans l’autre direction (je serai vivant pour tous les jours à venir). C’est ainsi que l’affirmation : « tous les terroristes sont des musulmans » se confond avec « presque tous les musulmans sont des terroristes ». En supposant que la première affirmation soit vraie et que 99% des terroristes sont des musulmans… Si l’on considère qu’il y a plus d’un milliard de musulmans d’un côté et 10,000 terroristes de l’autre, cette proportion signifie que moins de 0,001% des musulmans sont des terroristes. La deuxième affirmation est une exagération d’au moins 50,000 fois. L’explication sensationnaliste et émotive prend donc le dessus sur une analyse rationnelle des risques et des raisons derrière une situation. En attendant la deuxième partie : je vous laisse sur une citation de Taleb que j’adore : « Un érudit est quelqu’un qui en dit toujours moins que ce qu’il en sait, le contraire du consultant et du journaliste. »[2] Nassim Nicholas Taleb, Le lit de Procuste [1] Voir : DEDIEU, Frank, Nassim Taleb : « Chaque crise bancaire augmente la probabilité de la suivante », L’express expansion, 7 octobre 2013, en ligne : https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/nassim-taleb-chaque-crise-bancaire-augmente-la-probabilite-de-la-suivante_1324806.html [2] TALEB, Nassim Nicholas, The bed of procustes, Penguin books, 2010, 112 p. À LIRE TALEB, Nassim Nicholas, Le Cygne Noir, Les belles lettres, 2008, 496 p
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L’activité physique quotidienne comporte un lot de péripéties improbables. Je crois fermement qu’une personne devrait bouger tous les jours. Le plaisir dans l’activité devrait être une priorité pour le mouvement, mais viser la compétence ou le dépassement quelques fois par semaine est vraiment quelque chose que j’aime.
Au fil des années, il m’est arrivé plusieurs situations grotesques liées à l’entraînement. Comme je sais à quel point les gens aiment rire de moi, j’ai décidé de partager quelques anecdotes sur ma deuxième vie. 1. La vilaine chute Je fais du vélo, je vais très vite et j’approche d’un trottoir sur lequel je veux monter. Ma dernière pensée consciente est « Est-ce que je suis capable de monter sur le trottoir? ». Réponse du cosmos: « Oui et non ». Je me réveille à l’hôpital endolori avec un sentiment d’inquiétude. Un infirmier sort de la brume devant mes yeux et me demande mon nom. Je lis mon nom sur le bracelet à mon poignet, il hoche de la tête. On m’explique que j’ai fait une commotion cérébrale, que quelqu’un m’a trouvé par terre. Je lui demande : « est-ce que j’ai fait mal à quelqu’un? » Sa réponse : « christ ça fait 3 fois que tu me le demandes! » Après quelques tests, je ressors de l’hôpital confus. J’ai retrouvé mon casque de vélo couvert de marques et j’ai consulté un rapport de police sur lequel on peut lire « Il a fait une vilaine chute à vélo ». Depuis ce jour, je n’ai jamais vraiment refait de ce vélo. Note : Ma conjointe dit que je n’éternuais jamais avant cet incident… Visiblement se cogner fort sur la tête peut avoir toutes sortes de conséquences. 2. On se demandait... Un homme qui circule fréquemment dans mon quartier me voit souvent faire de la corde à sauter (une de mes activités préférées). Un jour il s’arrête avec son petit chien blanc, l’air préoccupé. « L’autre jour, on se demandait si tu es un boxeur? » Moi je me demande qui est « on » et s’il y a des réunions de quartier à mon sujet. J’ai plusieurs questions à ce sujet : qui est présent lors des réunions, où se trouve le point à mon sujet est dans l’ordre du jour (probablement sous le point varia). Bref, je ne dis rien, mais j’ai plus de questions que de réponses. Devant mon air perplexe, l’homme tente maladroitement de m’apporter du réconfort. L’homme ajouta plus tard une phrase mystique lorsque je suis à bout de souffle. « Tu sais, tu vas être correct. » J’imagine qu’il veut me rassurer, il semble croire que je veux faire face à une apocalypse de zombies. 3. La voisine inquiète Suite à l'achat d'une maison je fais mon apparition dans un nouveau quartier. Ma voisine d’en face est une sympathique étudiante en éducation et une mère de famille. Comme je m’entraîne principalement à l’extérieur, elle est témoin de plusieurs activités, principalement le cardio. Pendant cette période, mon entraînement consistait à courir avec une veste lestée de poids. J’ai généralement la combinaison suivante : lunette fumée, cheveux rasés très court, veste lestée et je cours comme si le diable me pourchasse. Quand je circule quotidiennement, elle me regarde avec gentillesse, mais je devine un mélange de sympathie et de pitié (le regard que l’on pose parfois sur les personnes avec des problèmes de santé mentale). Plus tard je vais apprendre à la connaître et elle va me faire la révélation suivante : « J’ai cru que tu portais une veste pare-balle et que tu étais une espèce de militaire. » Pauvre elle, moi je me demande si elle était présente à la réunion de quartier à mon sujet, et ce de quelle manière le groupe est passé de la discussion sur la possibilité que je sois un boxeur jusqu’à celle où je suis possiblement un paramilitaire compulsif obsédé par l’apocalypse qui s’entraîne avec un gilet pare-balle. 4. Sherbrooke, je t’aime La population de Sherbrooke est une population très courtoise et aimable. Pendant longtemps, Sherbrooke figurait dans les villes où il est fort probable que quelqu’un rapporte un portefeuille retrouvé. La ville de Sherbrooke est également connue pour ses pentes prononcées. Pendant mon entraînement, je porte un sac de sable sur mon dos. Le sac est plutôt lourd et je tente de sprinter dans une pente à pleine vitesse. Dans ma tête, je suis Usain Bolt sur la cocaïne qui fait des grandes foulées. En réalité, je dois ressembler à Kung Fu Panda qui tente d’escalader les marches vers le temple. Dans ma séance, pas moins de deux voitures ralentissent à ma hauteur. Le conducteur baisse sa fenêtre « As-tu besoin d’aide? Je peux te donner un lift. Ça a l’air lourd.» Ce phénomène se produit de temps à autre dans Sherbrooke, une ville où la plupart des gens sont très courtois. Plus tard la question me passera par la tête : est-ce que les automobilistes sont d’autres résidents du quartier qui veulent me dire que « Ça va être correct dans le fond, tu peux te calmer »? 5. La fois du ballon Je m’entraîne à tenir la position de handstand (à l’envers en se tenant sur les mains, mes pieds contre le mur). Souvent, pour me concentrer dans l’effort d’équilibre, je ferme mes yeux. Je suis dans une cour d’école le soir, pas très loin d’un terrain de soccer sur lequel s’amuse une bande d’enfants. Tout à coup un enfant botte très fort un ballon dans ma direction générale. Un enfant me crie quelque chose, j’ouvre les yeux pour constater que la forme circulaire du ballon se dirige à grande vitesse vers moi. Pas le temps de me remettre sur mes pieds, je regarde impuissant, le ballon me claquer au milieu du visage sous les regards perplexes des enfants. Note : Au dernier instant j’ai essayé de souffler de toutes mes forces pour repousser le ballon. 6. La fois des « Oh shit » Je suis en automobile avec mon bébé, pour une raison x il y a une urgence avec un gobelet ou un biberon. J’active les feux d’urgence, je me gare sur le côté, mais l’auto est momentanément un obstacle pour la voiture derrière nous. Alors que je suis étiré pour ramasser les choses du bébé, la voiture derrière klaxonne très agressivement. La situation dégénère au point où un jeune homme sort de la voiture et marche activement vers la mienne. Je réagis instinctivement, je sors de ma voiture et je fais quelques pas. Le jeune homme et un passager me regardent éberlués en répétant comme une litanie Oh shit, oh shit, ooooh shit. Le jeune homme est retourné comme par magie dans la voiture et j’ai regardé le véhicule démarrer en trombe pour me laisser dans le stationnement. Par chance que je ne portais pas ma veste pare-balle. Je me dis que l'apocalypse ne sera pas faite de zombies, mais de cowboys à casquette en Civic. 7. Ça a l’air facile. Quand tu fais de la callisthénie, il y a toujours quelqu’un qui croit que ce que tu fais est facile. Un jour, je pratique des handstand pushups (des pushups en se tenant sur les mains avec les pieds dans les airs). Une bande de jeunes hommes se tient plus loin. Comme j’ai les pieds contre un mur, je descends tranquillement mes répétitions vers le sol qui est asphalté. J’entends un jeune homme affirmer aux autres que ce que je fais est « facile ». Je ne lui prête pas attention. Il se dirige vers le mur, pose ses mains au sol et se retrouve finalement les pieds dans les airs en position. ET… La descente est extrême, sans même faire une répétition le gars s’écrase le visage sur l’asphalte pour finalement se retrouver cul par-dessus tête. J’aime penser que je suis plutôt une bonne personne. Je dois cependant affirmer que regarder un gars s’écraser sur le visage en essayant de faire un handstand pushup est un plaisir unique. 8. Le vendeur de drogue Un jour, j’ai mal fixé une barre dans un cadre de porte pour faire des tractions. Au milieu de l’effort, la barre décroche violemment et je me fends le dessus de la tête. Je me souviens être assis par terre et de regarder la barre de métal rebondir dans le corridor. Du liquide chaud me coule sur le crâne. Je sors dehors me mettre la tête dans la neige (ce qui en dit long sur mes talents en premier soins). Après plusieurs tentatives de me soigner seul, je comprends que je ne suis pas Rambo. Plus tard je me retrouve à l’urgence où je vais passer la nuit. Je passe finalement vers 5h00 du matin lorsqu’une infirmière me réveille et que je dois me décoller mon capuchon du crâne pour aller parler au docteur. Ce dernier se tient loin, visiblement méfiant, et me demande de me dévêtir. Il faut savoir qu’à ce moment, je suis en grande forme, que le docteur découvre mes tatouages et que j’ai la bonne humeur d’un gars qui va manquer une journée de travail parce qu’il est trop idiot pour solidifier une barre de métal. Le docteur refuse de me soigner sans un interrogatoire. « Tu as rencontré ton homme pas vrai? » est la question qu’il me pose très souvent. Le docteur croit que je suis un trafiquant de drogue et il faudra de longues minutes pour démonter ses impressions et me rendre au soin. 9. Le lièvre et la tortue Une fois dans le parc du quartier je m’entraîne activement à ramper. C’est beaucoup plus difficile que ce que l'on peut croire. Il est très tôt le matin, je m’entraîne donc le long de la piste qui traverse le parc parce que je suis seul. Finalement, un aîné se retrouve à parcourir le chemin et nous nous retrouvons côte à côte. Il marche avec une certaine lenteur ce qui lui demande de grands efforts. Comme je suis en fin d’entraînement, je suis également au bout de mes efforts. Je ne sais pas comment expliquer l’hilarité de me retrouver pratiquement avec « mes coudes contre les pieds de l’aîné » dans ce qui ressemble à une course de tortues dans le parc. Moi et l’aîné nous allons à la même vitesse pour traverser la moitié du parc jusqu’à ce que je m’étale au sol. J’ai vraiment espoir que l’aîné ne se retrouve pas dans la réunion de quartier à mon sujet. Partie 2 : La méthode russe Une fois que l'on convient que le principal ingrédient est la constance, il faut trouver des stratégies pour apprécier et progresser dans l'entraînement. Trouver la zone Pour que l’activité physique soit intéressante et le demeure, il faut trouver une manière d’entrer dans la fameuse « zone ». On appelle souvent la zone le « flow state, le tunnel, les moments de grâce » et ainsi de suite. C’est un moment pendant lequel le rapport au temps est altéré de manière importante. Plusieurs ont parfois l’impression d’être possédés, de flotter, de traverser sans encombre les obstacles et le terrain. La recherche est plutôt claire sur ce qui produit cet état. Essentiellement, il s’agit d’un équilibre entre une demande physique (un « challenge ») et l’ennui (le « boredom »). La zone (le « flow channel ») se trouve exactement entre l’ennui et l'importante demande physique. Une trop grande demande produit un état de stress ou d’anxiété dont il peut être difficile de récupérer. Une trop petite demande provoque l’ennui. Voici l’illustration (voir les références) qui représente l'état qui est recherché : Ce principe est vrai dans toutes les activités de votre vie. Si je demande à un groupe d’élèves de me parler d’une journée de travail dont ils sont très fiers, ils vont tous relater une variation de la journée suivante : « Une journée difficile pendant laquelle je croyais être incapable de m’en sortir, j’ai soudain trouvé des ressources en moi pour finalement surmonter des épreuves en me sentant vraiment bien ». Et si je demande aux étudiantes et étudiants de décrire la journée la plus souhaitable ? La très forte majorité propose une journée tranquille dans laquelle ils sont sous-stimulés et tombent dans l’ennui… Rechercher « la zone » c’est se permettre de rester en amour avec l’activité physique ou le travail et d’en faire une partie de sa vie. Le principe du « grease the groove »[1] (huiler la machine) Il s’agit de répéter le même mouvement souvent, sans jamais rechercher la fatigue. L’idée est tout simplement de rechercher la compétence en créant de nouvelles connexions neuromusculaires. C’est un peu comme répéter une chorégraphie pour faire un spectacle. La compétence se développe par l’entremise de la répétition. Après un grand nombre de pratiques qui sont des réussites, le corps est capable de reproduire les mouvements avec une plus grande facilité. C’est souvent le principe contraire qui est proposé aux personnes qui commencent l’entraînement. : on demande de rechercher l’échec et la grande fatigue. Encore une fois, pour développer une habitude il est préférable de se sentir confiant plutôt que de répéter les échecs. C’est donc par exemple de trouver un mouvement que l’on peut répéter 10 fois tout au plus et de faire 2 ou 3 répétitions plusieurs fois par jour. Après seulement quelques jours, la compétence dans le mouvement, la confiance et le sentiment de se développer sans trop d’efforts seront plus grands. Après un certain temps, l’effort maximal va s’accroître et la progression sera plus grande. Un programme simple serait donc ainsi : 3 à 5 répétitions parfaites du mouvement que l’on vise plusieurs fois par jour (par exemple matin, midi et soir). Il est intéressant de constater que les enfants utilisent intuitivement une méthode similaire par l’entremise des jeux physiques. Plusieurs enfants font 3 ou 4 pirouettes tous les jours jusqu’à soudainement être capable de faire des roues latérales sans arrêt. La progression par le volume Sur une échelle de temps, le volume d’entraînement est souvent plus important que l’intensité. Comparons deux jeunes hommes fictifs, disons deux étudiants de mon cours de sport. Les deux cherchent à devenir très compétents pour faire des tractions à la barre (« des pullups »). Joey est costaud, il peut faire 12 belles répétitions solides avec une forme parfaite. 12 répétitions est son maximum. Lors de sa séance d’entraînement, il repousse ses limites comme si le diable est à ses trousses et exécute 12 répétitions! Bravo! Pendant 3 jours, Joey est ankylosé et fait peu d’activités en espérant s’entrainer de nouveau. Par contre, la simple idée d’un entraînement le taxe mentalement. Il a éprouvé un stress important et doit se reposer. Adrien s’est toujours trouvé un peu chétif. Il s’entraine peu et rechigne à l’idée de s’épuiser à faire des répétitions. On lui propose un programme très simple. Le petit Adrien est incapable de faire plus que 5 tractions à la barre, c’est son maximum. Même si on menace sa vie, il est strictement incapable de dépasser 5 répétitions. On le lance dans un programme simple. Il fait 2 répétitions tous les jours de la semaine pendant une semaine, la dernière journée il est capable d’en faire 3. Faisons le calcul : Si ce que raconte Adrien est vrai, il a fait plus de répétitions que notre costaud cette semaine. Je sais, je sais, 12 d’un coup est beaucoup plus difficile que 3, mais Adrien veut devenir vraiment fort et non pas faire des spectacles. La semaine suivante, nos deux athlètes se dépassent. Joey est en feu et fait 12 solides répétitions suivies de 11. (un total de 23 tractions à la barre) Adrien lui, continue comme une fourmi : 3/3/3/4/4/4/4. (25 répétitions) Les semaines passent et si Adrien poursuit ses efforts il est probable que sa progression ressemble à ceci : Adrien : 4/4/4/4/5/5/repos (24 répétitions) Adrien : 5/5/6/6/6/7/repos (35 répétitions) Adrien : 7/7/7/8/8/8/9 (54 répétitions) Même si le petit Adrien rencontre quelques reculs, sa constance va finir par lui donner une force absolument improbable. Si Joey n’est pas constant dans ses efforts, je suis prêt à parier que notre Adrien sera un adversaire de taille en seulement quelques mois. Sur une échelle de temps, le volume d’entraînement est plus important que l’intensité. Avec cette méthode, il est improbable que notre Adrien développe beaucoup de masse musculaire visible (les fameux muscles de plage). Ce qu’il risque de gagner est un sentiment de compétence et une force relative qui appartient à une autre époque. Conclusion : la force du fermier Ici se trouve donc la réponse à une question commune des étudiantes et étudiants de mon cours sur le sport : pourquoi les fermiers, avec une relativement petite masse musculaire, sont très forts? Les fermiers s’entraînent avec un volume important, tout comme un maçon ou une personne sur un chantier de construction. Le volume d’entraînement ( la journée de travail) et le repos très court (une ferme ne s’arrête jamais) font en sorte que les muscles s’adaptent sans nécessairement prendre beaucoup de volume. C’est également l’objectif de beaucoup de combattants: être capable de ne pas changer de catégorie de poids tout en déployant plus de force. Avoir la force du fermier est certainement un objectif aussi noble que les autres. Références et sources PODCAST La plupart des notions des deux derniers articles se retrouvent ici : ROGAN, Joe, JRE podcast épisode #32 avec Firas Zahabi, 19 juin 2018, en ligne : http://podcasts.joerogan.net/podcasts/jre-mma-show-32-with-firas-zahabi, page consultée le 2 septembre 2019 Pour éviter un épisode de 3 heures, voici un résumé des propos de Firas Zahabi qui tient en 20 minutes : www.youtube.com/watch?v=_fbCcWyYthQ Livres CSIKSZENTMIHALYI, Mihaly, Flow : the psychology of optimal experience, Harper Perrenial Modern classics, 2008, 336 pages. Note : le concept du “flow” existe depuis plus longtemps. TSATSOULINE, Pavel, The naked warrior, Dragon door publications, 2003, 218 pages. [1] Le concept de grease the groove nous vient de Pavel Tsatsouline, l’homme responsable de l’introduction du kettlebell en Amérique. |
AuteurJ'essaie d'inspirer chaque personne que je rencontre. À défaut, je la faire rire ou je l'ignore. Je suis professeur de sociologie au Cégep de Granby depuis quelques années. J'habite également mon corps et ne vois aucune contradiction à combiner la force de l'esprit et celle du corps. Dans le passé, j'ai occupé la fonction de représentant des organismes communautaires de l'Estrie. Mon objectif est de favoriser une prise de conscience par l'entremise de ma discipline et de mes expériences. Archives
Octobre 2024
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