Première partie : Sur l'ingrédient. C’est la rentrée 2018 et il pleut des articles sur la remise en forme après l’été. Un de mes préférés est celui au bout du lien suivant : http://plus.lapresse.ca/screens/cb676388-2119-4363-9bb2-5cc470adf484__7C___0.html?utm_medium=Facebook&utm_campaign=Internal+Share&utm_content=Screen C’est un article qui a le mérite d’être drôle, d’inciter à une forme d’activité quotidienne et de saluer le statut de débutant. Ce qui est étrange pour moi c’est que toutes les saisons semblent porter la nécessité de se remettre en forme. Le Nouvel An avec les résolutions, l’été pour la plage, l’automne parce que les cours de spinning sont en vogue et le printemps parce que la neige fond. L’hilarité vient du fait que l’idée de se « remettre en forme » vient avec celle que l’on perd constamment cet état. On serait donc en forme ou non, un état binaire dans un monde dichotomique. Il semble important d’affirmer que le fait d’être « en forme » est un état relatif qui est variable sur un spectre plus grand. Il peut s’agir d’avoir une santé de fer, une forte endurance, de la masse musculaire, de la grâce, de la souplesse ou 108 ans de vie. J’aime mieux parler de mouvement que de réduire le corps à sa forme ou sa composition musculaire. L’idée de la remise en forme saisonnière nous fait passer à côté du principal ingrédient pour se sentir bien, libre et devenir pleinement capable de mouvoir son corps. Le seul ingrédient qui compte vraiment : la constance. Les meilleurs entraîneurs et professeurs s’entendent pour dire que le travail constant (les répétitions) est le facteur le plus déterminant pour atteindre un objectif de mouvement. Que ce soit par la danse, la gymnastique, la musculation, les arts martiaux ou la marche rapide, il ne faut pas discriminer les moyens de mouvoir son corps dans l’espace . Par la constance, je veux dire que l’activité quotidienne est essentielle. Oui, il faut idéalement s’entraîner tous les jours que ce soit 10 ou 60 minutes. J’anticipe déjà les commentaires : « Coach! C’est important de récupérer de l’entraînement. Il faut prendre une journée d’arrêt, boire des protéines en liquide pour laisser le temps à ses muscles de récupérer » « Non » Le corps a besoin de récupérer de la fatigue et pas de l’entraînement. Après un entraînement qui provoque une fatigue intense, il est nécessaire de récupérer. Si tu t’exerces jusqu’à la destruction de ton corps, je présume que tu ne pourras pas maintenir ce rythme et que ta motivation va diminuer avec le temps. Le risque de blessure sera plus important et la simple idée de t’entraîner va devenir de plus en plus pénible. Même si tu rejoins une tribu surmotivée de crossfitters extrêmes, le temps va t’user. Le CrossFit c’est bien pour développer un esprit de guerrier, apprivoiser l’intensité et apprendre que l’on est souvent capable de travailler 5 à 10 fois plus fort. En plus on découvre l’importance de varier les outils, les pratiques et les rythmes. Il faut simplement reconnaître que le CrossFit tend à rechercher la fatigue en premier et non la compétence dans les mouvements[1]. La clef pour atteindre la constance. Pour être constant, le mouvement quotidien doit devenir une habitude. Comment développer une nouvelle habitude? L’état que tu recherches est le suivant : Tu dois répéter cette action jusqu’à ce que ne pas faire l’activité physique devienne plus souffrant que de faire ton activité. Autrement dit, ne pas faire quelque chose devient plus difficile que le faire. Comment y arriver? Voici ce que les recherches sur les habitudes révèlent. -La plupart des habitudes sont largement inconscientes. Ce n’est donc pas un processus de décision normal qui nous pousse à adopter certaines actions. Ce sont pratiquement des réflexes qui sont déclenchés par des stimulus extérieurs et qui nous mettent sur un cours d’action. Au final, le cerveau nous récompense de notre habitude par un peu d’endorphine. Cette récompense nous vient, peu importe l’habitude en question. Prendre une bière tous les jours après le travail, fumer à chaque pause au Cégep, écrire 1000 mots dans un livre chaque matin, me brosser les dents après chaque repas, toutes les habitudes provoquent la même réponse du cerveau. Les points clefs :
Comment implanter une nouvelle habitude? Il faut se trouver des déclencheurs et répéter, répéter, répéter. Exemple : Tous les 2 jours, je vais courir après ma journée de travail (15 à 30 minutes) ou chaque matin, j’ai des vêtements de sport prêt du lit et mes souliers sont prêts je m’empêche de réfléchir et je sors pour une marche de 30 minutes. Tu peux aussi suivre des cours de danse avec ta meilleure amie, faire du CrossFit ou même t’inscrire à des cours de yoga. La clef est de répéter jusqu’à ce que ce soit plus difficile de ne pas le faire que de le faire. Pour une fois, il faut arrêter ton dialogue intérieur et juste répéter l’action. Si on veut faciliter la mise en place d’une nouvelle habitude, il faut rechercher d’abord une forme de plaisir et la compétence dans l’activité (au lieu de la fatigue). Autrement dit : un bon entraînement devrait donner de l’énergie et du plaisir au lieu de te vider de ton énergie. Tu dois en sortir énergisé plutôt qu’épuisé! Si l’entraînement donne de l’énergie, tu vas finir par être accroc et en vouloir plus[2]. On trouvera une place pour l’intensité plus tard et la progression. En attendant, tu veux juste développer l’habitude du mouvement. Au final, c’est la clef pour en faire une habitude et gagner en liberté par l’entremise de ton corps. Il y a des trucs pour trouver un mode d’entraînement qui donne de la vigueur. La méthode russe en est une. Dans les prochains jours, je vais écrire un billet sur cette méthode et fournir quelque lien. D’ici là, il faut bouger tous les jours, prendre conscience de nos habitudes et viser le mouvement à notre mesure plutôt que se battre contre son corps. Sources DUHIGG, Charles, The power of habit, Doubleday Canada, 2012, 400 pages LEFEBVRE, Geneviève, Comment réussir sa rentrée sportive, La presse +, 22 août 2018, En ligne : http://plus.lapresse.ca/screens/cb676388-2119-4363-9bb2-5cc470adf484__7C___0.html?utm_medium=Facebook&utm_campaign=Internal+Share&utm_content=Screen, page consulté le 25 août 2018. Des liens vers les propos de Firas Zahabi seront dans ma prochaine publication. [1] Cette phrase provient directement de Firas Zahabi, un des entraîneurs de Georges St-Pierre. [2] Un autre principe essentiel de la méthode russe qui est également porté par Firas Zahabi.
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« J’espère une île de chansons par-delà cette houleuse mer de cris » -Rabindranath Tagore Depuis quelques semaines me voilà incapable d’écrire. Il y aura bientôt 40 ans que je suis au monde et je réalise que je mène toujours un combat impossible contre le même adversaire. J’enseigne depuis des années pendant lesquelles je donne un seul cours, je fais un seul discours et j’ai une seule obsession que je répète pendant des semaines sous différentes formes. La sociologie, le contenu du cours, toutes mes lectures et mes connaissances ne sont qu’un prétexte. Cette obsession est la suivante : Que chaque étudiant et étudiante exprime consciemment son plein potentiel dans la société. Ce que je déteste? Les barrières dans le chemin de cette expression. Les barrières sont les handicaps, les limites imposées par les parents, les inégalités sociales, les dépendances, l’inconscience collective, et les limites imposées à soi-même (comme le sabotage). J’ai 15 semaines pour me rendre aux étudiants, traverser les barrières, semer l’idée de l’expression du potentiel et ensuite partir en silence. Il m’importe peu d’être aimé ou détesté, tant que les élèves s’expriment dans un sens ou dans l’autre. La plus grande barrière est souvent la souffrance inutile qui tombe sur les étudiants et les étudiantes. La haine de soi, de son esprit, de ses origines, de son corps, de l’école ou du monde. Parfois c’est la maladie. Je suis en colère. En colère parce que j’accepte l’idée de la mort, surtout de la mienne, mais je veux limiter les souffrances inutiles chez les autres. Mon adversaire depuis mon plus jeune âge est la souffrance inutile et ma place de professeur me donne une place privilégiée pour lutter silencieusement contre cet ennemi. J’ai vu plusieurs personnes mourir du cancer, en premier mon père. Mon père était grand, fort et l’image d’une virilité sauvage sans compromis. Quelques jours avant sa mort, il était incapable de se regarder dans le miroir. Les joues creuses, sa peau cireuse jaunie, ses odeurs corporelles et le regard de quelqu’un qui a un pied dans l’autre monde. Dans un sens je suis privilégié, mais on a beau me raconter que c’est beau j’ai envie de tout simplement répondre ceci : Fuck you. Pis fuck le cancer. Je sais que la mort est obligatoire, mais pourrir et souffrir? Le corps brisé de mon père était entre mes bras quand le sang sortait de ses plaies, qu’il délirait et qu’une puanteur indescriptible de mort s’élevait de son corps. Mon seul privilège est alors de partager un moment crucial de sa vie. Avec le temps j’assume l’horreur et j’espère mieux apprécier la lumière. J’ai même d’excellents souvenirs qui côtoient ceux de sa fin tragique. Il était dans l'ordre des choses que mon père meurt avant moi. Mon erreur la plus récente est la suivante : j’ai entretenu l’illusion que les étudiants et les étudiantes autour de moi étaient protégés. Qu’il était impossible que mes étudiants soient gravement malades tout simplement parce que je partage un petit bout de leur vie. Je paie maintenant le prix de cette arrogance. C’est l’explication de mon silence depuis quelques semaines. Aujourd’hui, le cancer frappe certains de mes étudiants et un de mes proches. Je dois cheminer vers l’acceptation de l’état des gens de mon entourage. C’est ce que je fais en silence depuis quelques semaines. Je sais que de nos jours il est possible de vivre avec cette maladie et que les possibilités d’une rémission sont meilleures. J’espère sincèrement ce qu’il y a de mieux pour les malades, beaucoup de jours heureux et encore des contributions. Ceci n’empêche pas que de voir une jeune personne pleine de promesses et de rêves marcher sur cette route est vraiment pénible. Le corps devient un champ de bataille et chaque défaite implique la possibilité de perdre quelque chose pour toujours. J’aimerais prendre une partie de cette souffrance sur moi et être capable de libérer mes proches de ce fardeau. Qu’est-ce que je peux faire? Je tente de tirer le meilleur de la situation : - Prendre pleine conscience du fait que mes problèmes sont petits en comparaison avec des gens malades. - Demeurer solide pour les miens malgré le contexte. - Continuer de traiter les personnes malades comme des personnes entières : elles aiment encore rire, raconter des histoires, ont des passions, des opinions et ne veulent généralement pas de pitié. - Me sentir privilégié de tout ce que j’ai, incluant la douleur des épreuves. Mourir, c’est tout perdre : le bon comme le mauvais. Je crois qu’une journée est la pire de ma vie? Je sais que plusieurs personnes malades échangeraient instantanément de place avec moi. Mieux vaut perdre quelque chose en gardant la chance de se refaire que de tout perdre. La rentrée scolaire approche et je vais avoir le privilège de côtoyer de nouvelles personnes. Il faut juste faire la paix avec le fait que les jeunes étudiantes et étudiants sont aussi vulnérables que les autres. Je vais continuer de mener ma lutte contre les souffrances inutiles et d’apporter un peu de lumière en silence. « La mort, comme la naissance, fait partie de la vie. Marcher, c’est soulever le pied tout autant que le déposer » -Rabindranath Tagore TAGORE, Rabindranath, Les oiseaux de passage, Éditions du Noroît, 2008, 114 pages |
AuteurJ'essaie d'inspirer chaque personne que je rencontre. À défaut, je la faire rire ou je l'ignore. Je suis professeur de sociologie au Cégep de Granby depuis quelques années. J'habite également mon corps et ne vois aucune contradiction à combiner la force de l'esprit et celle du corps. Dans le passé, j'ai occupé la fonction de représentant des organismes communautaires de l'Estrie. Mon objectif est de favoriser une prise de conscience par l'entremise de ma discipline et de mes expériences. Archives
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