Note: Trop drôle, j'ai fait une horrible erreur possiblement inconsciente. Plutôt que le mot "crédo" (dans le sens de croire en quelque chose) j'ai écrit "créneau" qui a le sens de "trou dans un rempart". Voici deux actes d'humilité en un! Possiblement que ma personne est encore "trouée" et l'autre chose est que j'ai mal prononcé un mot toute ma vie jusqu'à ma correction par une lectrice! Merci à toi, la route vers la sagesse est longue. Ta vie, ta session, ta carrière, ta famille, ton mariage, ta santé mentale pis toute : quand tu perds le nord et que tu ne comprends plus rien. Le temps ne répare rien, il donne de la perspective. J’essaie de ne pas sombrer comme le personnage de Caligula chez Camus. C’est donc l’occasion de te revivre une deuxième fois. Le mois d'octobre est le mois de ma fête. J’ai maintenant 42 ans et c’était une fête spéciale. Je ne peux pas dire que ça passe trop vite. Pas quand les tuiles s’accumulent. C’est ma première soirée de fête depuis 3 ans ou je ne pleure pas. Je ne peux pas dire pour autant que le bonheur est toujours à portée de main. Comme disait mon poète préféré : "Bien souvent ce n’est pas qu’on veut être heureux, c’est juste que nous voulons arrêter de souffrir". Cette fois c’est juste moi, mon fils, la plus grande simplicité pis les choses importantes (ok, avec un verre de rhum). Une fois le malheur évité… Selon quels principes nous accédons à un bonheur relatif ? Cette année, j’ai été dans l’obligation de me réinventer. Tant qu’à faire cet exercice, aussi bien réaffirmer mes valeurs et tenter d’être un modèle pour mes enfants. On me demande souvent en classe quelles sont les valeurs que je tente de transmettre aux enfants de mon entourage. On se souvient que l’on se donne la définition suivante : Les valeurs sont ce qui motive les actions. Alors j’en profite pour les expliquer ici. Voici une photo de notre mur d’entrée : Vrai (selon la force de nos relations)
Nous disons toujours la vérité ou alors on ne ment pas. On est honnête et intègre dans nos interactions. On admet nos fautes et on s’excuse. Nous gardons en tête que « mieux vaut être laid et vrai et que beau et faux ». Voici comment nous définissons certains éléments : Honnêteté : Quand la parole de quelqu’un est le reflet de la réalité, cette personne est honnête. Intégrité : Quand les actions de quelqu’un sont le reflet de ses paroles, cette personne est intègre. En premier on le fait pour soi, tout simplement pour assurer une cohérence interne. Si quelqu’un est faux, il est perdu. La seule mise en garde est qu’il faut éviter les blessures inutiles. Être vrai ne donne pas l’autorisation de torturer les autres, il faut mesurer nos propos selon la force de nos relations (la capacité de chacun de recevoir). C'est ainsi que l'on peut prendre soin des autres. Libre (mais engagé) Nous faisons des choix qui sont assumés et conscients. Ceci est la suite d’être vrai. Sans la conviction d’être vrai, il est impossible d’être libre. Il est possible de tout remettre en question, parce que rien n’est acquis et il faut s’engager avec cœur et passion dans nos actions. L’opinion des autres est considérée, mais n’a pas le pouvoir de nous contrôler. L’échec n’existe pas, c’est simplement un apprentissage. Il faut se permettre d’agir comme on l’entend avec des engagements que l’on respecte ou que l’on doit réviser. La contrepartie est qu’il y a un prix à payer pour chacune de nos actions. Notre espace rencontre celui des autres et demande une part de négociation. Nos engagements limitent notre liberté, mais permettent d’apprécier un espace créatif. On chemine donc vers notre couleur à travers nos engagements et les obstacles. Fort (et vulnérable) C’est un peu physique, parce qu’on est également des corps. Il est utile de prendre notre mesure physiquement, c’est une manière de s’exprimer. Cet aspect est aussi moral, selon notre capacité à se respecter soi, les autres et nos engagements. C’est également psychologique (la fameuse résilience) parce que nous prenons mesure de nos défauts, de nos failles et nous portons la conviction qu’il est possible de manifester notre force uniquement dans les zones de vulnérabilité[1]. C’est le pendant de la force : nous devons nous exposer et nous prenons des risques. Au terme de chaque projet ou engagement, il faut pouvoir se dire : « j’étais vrai, j’ai exploré ma liberté et j’ai manifesté toute ma force ». C’est faire le pas de plus, la distance de plus, la répétition et ce peut être de garder le silence plus longtemps et même la patience. Dans tous les cas, c’est lié à la vulnérabilité. Drôle Une fois les trois valeurs exprimées, nous aimons passer par le rire. Le rire répond au drame, au tragique et permet de dissiper les tensions. Le rire demande un lien aux autres, de l’esprit et rend les moments plus agréables. On peut agir avec sérieux et toujours rire de bon cœur. On tente de se tenir loin des farces plates et on ne prend jamais pour cible les plus vulnérables. Tant qu’à vivre, aussi bien le faire en riant. Comme je suis un père monoparental en reconstruction, je souhaite recevoir vos valeurs familiales et vos stratégies pour les partager aux enfants. [1] Je recommande « Je suis un chercheur d’or » de Guillaume Dulude sur cette question. Voir les sources de cet article. Sources CAMUS, Albert, Caligula, Les éditions Gallimard, 1958, 245 pages DULUDE, Guillaume, Je suis un chercheur d’or, Les éditions de l’Homme, 2020, 567 pages
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Porter Caro, Laurent, Steve, Rémy pis les autres Une marche de soutien qui rassemble plus de 200 personnes : des membres de la famille, des militantes, des militants, des ex-conjoints, des féministes, des lecteurs, d’anciens étudiants et étudiantes, des enfants et j’en passe. Tout le monde rassemblé pour une raison : porter Caro. Caro, c’est Caroline Dawson : autrice, prof de sociologie, maman; elle participe à des événements culturels et le monde la découvre de plus en plus. Pour moi, c’est juste mon amie Caro. Qui porte quoi ? À la fin de la marche de soutien, Caro monte dans un véhicule avec sa famille. Avant de s’y engouffrer elle me regarde et « flexe » ses muscles comme un culturiste pour me montrer qu’elle sera forte. C’est fou, pour moi la scène est surréelle. En ce moment, c’est Caro qui me porte, une fois de plus. Je me sens si faible par moment. Parce que la vérité c’est que c’est elle qui nous porte. Je ne suis pas là, je ne suis pas « glamour » comme disent les Français, je suis loin et absent. Quotidiennement c’est son épreuve à elle et ses proches. L’épreuve présentement c’est un cancer. Faut dire que je me sens plus comme « le lâche des lâches » devant cette situation : je suis loin et je ne sais pas quoi faire. Mon amie Caroline est incroyable : c’est une de mes personnes préférées au monde. Elle a un grand sourire, des yeux qui brillent et elle dégage quelque chose de totalement unique. Elle parle comme une poétesse, elle écrit bien, elle est intelligente, nuancée, drôle, belle, dramatique (drama queen d’après moi) et elle est juste plus grande que nature. J’ai été dans une bande militante avec elle: des gens brillants et des gens braves – elle était la meilleure d’entre nous. Elle pourrait bien devenir la reine du monde, pour moi elle restera mon amie Caro. Cette année, le monde commence à découvrir plus activement Caroline Dawson. Par des événements de littérature jeunesse, par sa sensibilité, par son incroyable roman biographique « Là où je me terre » et plus récemment, par l’annonce publique de son cancer. Elle m’apprend donc cet été qu’elle a le même cancer que Terry Fox. C’est fou. Encore cette merde de cancer qui revient dans ma vie. Cette fois la tumeur est surnommée Goliath. Évidemment, si quelque chose peut se mettre sur le chemin de la meilleure amie que j’ai jamais eue, ce sera un cancer digne de Terry Fox avec une tumeur grosse comme un personnage biblique. Faut savoir que Goliath n’a jamais eu de chance dans le combat contre David. L’arme de David (la fronde) était une merveille qui le rendait presque invincible. Caroline est certainement plus brillante que David. Et pis fuck ce Goliath, il ne sait pas à qui il aura affaire. En entrevue, mon amie Caroline évite d’affirmer qu’elle est brave parce qu’elle affirme ne pas avoir le choix. C’est curieux non ? Tous les plus braves guerriers et guerrières de ce monde n’avaient pas le choix, toutes les personnes qui relèvent les plus grands défis, toutes celles qui affrontent l’impossible, des Amazones jusqu’à Rosa Park. « Je n’ai pas vraiment le choix » d’être brave, donc. Terry Fox, puis maintenant mon amie. Ce n’est pas tant moi qui porte Caroline, qu’elle, qui nous porte par son exemple, sa parole et sa lumière. Parce qu’on n’a pas le choix, nous non plus. Elle se montre forte et on montre notre support. On l’aime notre amie, c’est elle qui me portait pendant mes études, pendant des deuils, pendant des peines et qui me donne encore l’exemple. Ce billet est une manière de dire « je t’aime » à tous mes amis (es) et aux familles qui vivent avec le cancer. Je ne parle pas ici de combat, de lutte ou des souffrances. Je n’aime pas dire quoi faire aux autres ou comment voir cette maladie. Le cancer, on peut vivre avec, vivre malgré lui; on peut même vivre longtemps malade sans vraiment le savoir. C’est un mal sérieux et c’est pourquoi il est nécessaire d’apprendre à en parler. Dans notre culture tout ce qui touche la maladie, la souffrance et la mort sont des sujets difficiles. Voici donc quelques personnes que je porte dans mon cœur, des morts et des vivants. Toutes des personnes très différentes pour moi. Comment tuer un party (parenthèse sur mon père) C’était il y a bien des années, une scène classique de party arrosé avec majoritairement des gars. Des dudes en boisson qui parlent, pour une raison obscure, du moment où ils considèrent qu’ils sont devenus des hommes. Pour un, c’est une histoire de « char »; pour un autre, c’est une bagarre et pour la plupart, c’est lié à la première relation sexuelle. Je reste silencieux sur cette question jusqu’à ce qu’on m’interpelle. « Pis toi Lefebvre, c’est à partir de quand que tu t’es considéré comme un homme ? » « C’est le jour où j’ai marché dans le sang de mon père » Yep, le party est mort comme ça. RIP. Namasté pis toute le kit les bros. Cassé #BriceDeNice Je n’ai pas forcé les détails parce que c’était moins exactement du sang et plus un mélange entre la matière fécale et le sang de mon père. Le diable est dans les détails. C’est la vérité cependant : cette scène reste comme un deuxième baptême. J’ai été privilégié de marcher aux côtés de mon père pendant ses derniers moments. Je peux dire que je l’ai porté un peu, même si c’était trop dur. Même s’il avait peur. Même si le colosse qu’il était s’est transformé en homme livide et blessé. Même si j’ai pris la décision de ne pas le réanimer et qu’on le garde froid et mort. Ma mère dit que j’ai été brave. Ha! Porter mon père jusqu’à son dernier souffle. C’était beau par moment, mais il y a un prix à payer. J’ai porté le cadavre symbolique de mon père pendant des années sur mon dos. Une dépression, un côté de famille renié et bien des épisodes plus tard, j’ai fait la paix. C’est beaucoup Caroline Dawson qui m’a permis de faire la paix par son écoute, sa présence et son grand cœur. Cette foule de visages en soins palliatifs J’ai également appris à faire la paix dans une maison en soins palliatifs où la mission était strictement d’accompagner des personnes vers la mort. Des gens seuls, des hommes, des femmes, des personnes parfois entourées, toutes semblables et dissemblables devant la mort. J’ai redécouvert l’importance du rire, de la grâce : une forme de beauté dans la lutte et surtout qu’au Québec, c’est visiblement l’affaire des femmes d’accompagner vers la mort. Mon bref passage en soins palliatifs m’a permis d’accueillir mon fils dans ce monde sans transmettre mon traumatisme du deuil. Laurent (mon ex-beau-père) Et puis mon beau-père a été atteint d’un violent cancer. Il a été brave et beau. Ma belle-famille s’est dépassée. À la fin, un homme qui était pratiquement mon seul ami dans cette famille est mort. De manière poétique, il a terminé sa vie avec la même équipe dans laquelle j’ai été bénévole. Je garde de beaux souvenirs de cet homme si patient et humble. Il saluait toujours ma persévérance et riait de bon cœur bien de mes capacités manuelles. Et les vivants ? Ben oui, tous les gens qui ont le cancer ne sont pas morts. On peut vivre malade. On peut vivre malade et heureux. Il y a bien mon ami Steve Picard, un ancien étudiant, un gars pas comme les autres. Il est audacieux, vivant, sincère et il voit souvent à travers mes masques en classe. Je sais qu’il sera un intervenant qui va se distinguer des autres. Mais notre session devient lourde quand il se présente en classe livide et blanc. Plus tard, il m’annoncera qu’il a un cancer. Encore plus tard, il m’annoncera que c’est un cancer très rare et qu’il risque d’y passer. C’est étrange parce qu’on se lie d’amitié avec un lit d’hôpital entre nous. Ce cher Steve fera une remontée spectaculaire et défiera tous les pronostics. Il est un miracle. Son histoire est trop compliquée, parfois on lui annonce la noirceur et parfois de l’espoir. Il marche tellement souvent entre le monde des vivants et celui des morts qu’on dirait Osiris le dieu égyptien. Pour écouter une entrevue maison que j’ai fait avec Steve « Osiris » Picard c’est ici : www.lacatabase.com/podcast.html (Voir épisode 8 "Heureux et malade") Il ne fait pas pitié, ce n’est pas une victime : il est vivant, il a des projets, il rêve, il veut bien vivre, mais il a encore besoin d’un coup de pouce. Pour l’aider avec son démo de chanson c’est ici : www.youtube.com/results?search_query=Anybody+there Il y a juste trop de vie pour capituler devant la mort Parfois, il y a juste trop de vie pour la contenir dans une seule et même personne. Je crois que c’est un peu le cas de Caroline Dawson. Je crois que c’est aussi ce qui arrive pour le grand cœur de Steve. L’important est de faire de notre mieux pour porter les vivants jusqu’au bout comme on peut. C’est un privilège pour moi quand je suis proche et brave. Avec Caroline je suis loin et les mots me manquent. Une fois de temps en temps je croise des individus qui me semblent exceptionnels comme Steve, comme ma fameuse Caroline et c’est certainement le cas de plusieurs autres personnes. Parce que même devant la mort, il y a des personnes qui nous portent. Le sens de la vie est dans l’entraide et la coopération. Plus on entraide dans des circonstances impossibles, plus on est vivant. C’est presque du Bukowski, « The laughing heart » « You can’t beat death But you can beat death in life, sometimes And the more you learn to do it The more light there will be » Pour trouver Caroline Dawson On peut trouver mon amie Caro ici raconter son parcours d’autrice www.facebook.com/watch/?v=2519101041728087 On peut la trouver ici dans une émission de radio rendre fascinante sa vie avec cette maladie ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/penelope/segments/chronique/369679/caroline-dawson-cancer-depistage-famille On peut l’entendre sur un podcast ici omny.fm/shows/les-effrontees/victime-dun-cancer-agressif-caroline-dawson-a-re-u Tu peux aussi lire "Là où je me terre" et l'aimer. www.editions-rm.ca/livres/la-ou-je-me-terre/ |
AuteurJ'essaie d'inspirer chaque personne que je rencontre. À défaut, je la faire rire ou je l'ignore. Je suis professeur de sociologie au Cégep de Granby depuis quelques années. J'habite également mon corps et ne vois aucune contradiction à combiner la force de l'esprit et celle du corps. Dans le passé, j'ai occupé la fonction de représentant des organismes communautaires de l'Estrie. Mon objectif est de favoriser une prise de conscience par l'entremise de ma discipline et de mes expériences. Archives
Octobre 2024
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