Enseigner est réellement un privilège. Il s’agit de créer un lien et de trouver les mots. Mon travail est simple au fond, en quelques étapes voici ce que je fais pendant quelques semaines : 1- Je dois faire réaliser à chaque étudiant qu’il n’est pas réellement en contact avec le monde, il entre en relation avec l’histoire qu’il se raconte sur le monde. 2- La plupart du temps, cette histoire n’est la nôtre, c’est celle qui nous vient de la société, de nos parents, nos amis, les médias (incluant Facebook et TVA nouvelles) et ainsi de suite. 3- Il existe une grande variété de manières de voir le monde, les blessures, les joies, les peines, l’amour, la vie et la mort. Les conceptions du monde sont étroitement liées à la culture, au contexte social et géopolitique. On apprend de nouveaux mots ici : ceux de la sociologie. C’est un outil formidable pour aborder le monde, pour constater, pour pleurer et parfois pour faire la paix. Ce sont donc de nouveaux mots et de nouvelles images pour le groupe. Il arrive que des étudiants et étudiantes blessés trouvent la paix par les nouveaux mots. « Ce n’est pas l’acte de parole qui apaise, c’est le travail de la recherche des mots et des images, l’agencement des idées qui entraîne à la maîtrise des émotions. Cela explique pourquoi les traumatisés peuvent écrire des poèmes, des chansons, des romans ou des essais où ils expriment leurs souffrances, alors qu’ils sont incapables d’en parler en face à face. »[1] 4- Une fois que nous avons fait les étapes 1 à 3, je laisse les étudiants et étudiantes explorer par eux-mêmes un sujet. Idéalement, ils « redécouvrent » quelque chose qu’ils pensaient connaître. Le plus beau ici, c’est que souvent ils deviennent des professeurs pour moi. La dernière étape est un cadeau pour eux. Je remets les étudiants à la case 1 pour maintenant leur donner le choix de voir le monde comme ils le veulent et de le raconter à leur manière. Ils me quittent généralement avec des outils de plus (et des résultats académiques et un fulgurant mal au poignet). Cette session, par Teams je reçois quand même de formidables cadeaux. En voici quelques-uns : C’est la personne qui décide de faire écouter mon cours à un membre de sa famille, c’est la fille qui sort de sa relation toxique, c’est le gars qui s’ouvre sur ses émotions, c’est la personne qui fait la paix avec son éducation. C’est cette femme qui porte un poème avec elle dans une salle de tribunal. C’est l’étudiante qui trouve des suggestions de lecture pour son papa à même ce que je propose. C’est cette simple phrase, lancée dans une vulgaire fenêtre de discussion instantanée qui prend tout son sens : « Tu me permets d’être moi et je t’en remercie » Wow. La permission d’exister et d’être soi-même. Shit, quel genre d’obstacles cette personne doit rencontrer quotidiennement pour qu’un espace de liberté si banal donne une bouffée d’air? Nous plongeons dans la dernière étape de la session, la dernière période avant de nous rendre au terrifiant examen final. Je sais que je suis exigeant, que c’est dur à suivre et que l’univers social est complexe. Mais on se doit de l’aborder, de dénouer cette complexité pour apprécier les joies et les peines du fameux « vivre ensemble ». Seul tu es perdu, en groupe tu es oppressé. L’enseignement à distance c’est pénible pour tout le monde. Je prépare des cours laconiques, je m’emballe seul, je fais mes blagues de papa et je change d’intonation. Tout semble si vide. Chaque phrase et chaque concept est comme une bouteille à la mer. J’essaie et j’espère, toujours un peu plus. Et de temps en temps, la magie opère. Parfois en sciences humaines, plus souvent dans la technique d’éducation spécialisée. Cette session est spéciale pour moi parce qu’elle est le théâtre des plus beaux échanges dans mes classes virtuelles. C’est paradoxal, s’il existe une seule discipline dans laquelle le contact humain est central c’est bien celle en éducation spécialisée. J’accompagne trois groupes qui sont très différents. Le mardi est plein de surprises, un bon groupe mais qui arrive presque toujours du champ gauche. C’est le théâtre des problèmes techniques, mon groupe aux intérêts variés et la séance qui semble la plus improvisée. Le jeudi est un groupe très fort avec beaucoup de personnalité et une conversation de groupe à la limite de l’établissement. La conversation instantanée est intense « le chat » est intense et je dois souvent m’en éloigner pour ne pas perdre mes moyens. Pour une raison mystérieuse, c’est dans le groupe du vendredi que c’est magique. La pire plage horaire possible par l’entremise de Teams : vendredi après-midi. La motivation est en dessous de 0. Le premier contact n’était pas évident, peu de réactions à ma présence en classe, une étudiante semble même me prendre en grippe dès le départ… J’essuie donc des critiques. Et pourtant : pendant les séances du vendredi les échanges sont vraiment hors de l’ordinaire. C’est spécialement à cause des étudiants et étudiantes qui sont de nouveaux arrivants. Ceux et celles qui sont affectés par le racisme systémique. Celui que l’on ne peut pas nommer. Une personne nous explique le passage dans les camps de réfugiés. Un autre communique sa frustration par rapport aux dirigeants de son pays d’origine. Un de mes étudiants nous partage avec sensibilité les meurtres et les viols du Congo souvent sous les yeux des familles. C’est l’horreur et les grandes douleurs. C’est l’homme dans ce qu’il a de pire. Des pays ravagés par des guerres, par des fratricides, des génocides et également par l’indifférence de l’occident. Parce que tôt ou tard il faudra faire cet exercice de conscience. Comme ceci: « La réaction européenne face aux réfugiés africains en est un exemple. Comme on l’a dit, l’Europe partage une certaine histoire avec l’Afrique. Elle l’a ravagée et pillée. Il y a eu la traite des esclaves, les invasions européennes, beaucoup de violence et bien d’autres choses encore. Cela n’est pas non plus très ancien et cela perdure encore aujourd’hui. Vous avez un téléphone mobile. D’où proviennent les métaux nécessaires à sa fabrication ? Du Congo oriental. Comment les obtient- on ? Avec l’aide de milices violentes qui ont tué près de cinq millions de personnes ces dernières années. Ces milices travaillent pour de grands groupes internationaux et fournissent la matière première dont on a besoin, pour les iPhone par exemple. Cela se passe de nos jours. Tout cela est épouvantable. Des êtres humains fuient une Afrique dévastée pour aller en Europe, et que font les Européens ? » (p.98,l.17) [2] Mais on est loin de cet exercice. Pour l’instant mes étudiantes et étudiants composent avec les discours absurdes des grands médias et le discours opportuniste des politiciens. Le confort, l’indifférence et les sales commentaires sur les médias sociaux. On trouve de la lumière en classe. Les autres remercient des partages, on est plein d’émotions, on est à l’envers, on constate et on se demandera plus tard comment agir. Le but du cours est principalement la prise de conscience. La lumière se trouve parfois dans les misères plus petites. Dans les blessures qui semblent banales. Cette courageuse ose prendre la parole et nous expliquer son surpoids. Elle explique la cruauté du système médical et de cette infirmière qui, sans aucun indicateur clair de santé, lui lâche qu’elle est trop grosse. Cette étudiante va pleurer sa vie. Elle le sait qu’elle est en surpoids. Elle voulait juste occuper un emploi, c’est ce qu’elle vise. Au moins elle fera la rencontre d’un docteur capable d’émettre un jugement plus scientifique (avec des indicateurs fiables) et d’aborder la question de la perception des autres. Elle occupera finalement l’emploi visé. On aborde la question tous ensemble. Comme des adultes, personne ne se moque d’elle. Je joue tout simplement mon rôle de gardien. On est plein de compassion. Des discussions sur l’obésité, les jugements, la marginalité, le rapport au corps et sur le système médical. Personne ne se moque d’elle. Elle se donne et le groupe lui permet d’exister. Merci à toi ma brave. Tu fais le cours autant que moi et tes blessures éclairent nos lacunes et nos ratés. On s’éduque pour faire autrement, pour faire mieux, pour comprendre. C’est également cette jeune femme qui partage un lien vers un podcast dans lequel se trouvent des liens avec le cours. C’est un autre qui est à l’aise de révéler sa conversion à l’islam. C’est cette maman, sensible, qui réalise qu’un de ses enfants intériorise peu à peu une étiquette négative que l’école tente de lui apposer. Enseigner est un privilège. On créer un lien, on trouve des mots. Quand tu te permets d’exister, tu me permets d’exister. [1] CYRULNIK, Boris, La nuit, j’écrirai des soleils, Odile Jacob, Paris, 2019, 300 pages [2] CHOMSKY, Noam, La lutte ou la chute! Pourquoi il faut se révolter contre les maîtres de l’espèce humaine, Montréal, Lux, 2020, 121 pages.
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Partie - II : Libre par le respect
Pour la première partie, c’est ici : www.lacatabase.com/blogue/la-force-et-la-liberte Entre l’amour et le respect que serait l’objet de mon choix? Le respect, sans hésiter. « Hands down » comme disent les jeunes. Cette réflexion me vient du psychanalyste CG Jung : « Un amour « désintéressé » est-il même possible? […] Peut-être a-t-on aussi, en général, tendance à réfléchir le moins possible aux buts de l’amour; à y réfléchir, on risquerait de faire des découvertes qui montreraient la valeur de notre propre amour sous un jour moins favorable que nous nous plaisons à le penser » (p.76,l.30)[1] Je vais admettre que l’amour c’est essentiel pour la période de l’enfance. Le problème c’est que le concept me semble très subjectif pour la suite. L’amour est souvent déterminé par « comment la personne qui aime se sent » et a peu à voir avec le traitement que l’on réserve aux autres. Je dirais même que bien des agresseurs se croient plein d’amour. Les crimes passionnels : plein d’amour, les fameuses « tragédies familiales » maintenant des féminicides : des hommes blessés qui se croient amoureux et qui explosent de rage. Tout comme une partie des déviants de toute sorte. L’amour peut facilement endetter son objet et quand il s’agit d’un sentiment aussi intense le pas est facile à franchir vers la haine. Le respect repose plus sur « le traitement que l’on réserve aux autres » et on peut le mesurer de manière plus objective. Le respect dans la parole, devant les limites des autres, par le consentement, par l’écoute, par le silence et dans cette distance essentielle qui permet aux arbres de pousser dans une forêt. Le respect enfin dans ce qu’il propose de plus rare : laisser les autres faire des choix ou croire en quelque chose avec lequel on peut être entièrement en désaccord tout en continuant de traiter avec mesure la personne. Amen! L’idéal serait donc une mesure pratiquement égale d’amour et de respect. Autant d’amour que de détachement (le désintérêt chez Jung). En prenant de l’âge, je réalise que le respect est beaucoup plus important pour moi que le sentiment amoureux. Si je repense à ma vie, j’ai développé des relations pleines de sens avec des gens qui ne m’aimaient pas, mais qui témoignaient un grand respect. À l’inverse, les pires vacheries que j’ai subies me viennent de gens se disant « plein d’amour » pour moi. Quelqu’un pourrait m’objecter : mais lorsqu’on aime, le respect est plus facile non ? Pas vraiment. En fait, une bonne éducation devrait faire en sorte que nos émotions fortes sont toujours filtrées par le respect. Ce qui me fait donc conclure ce qui suit : mon idéal serait une relation en parfait équilibre entre l’amour et le respect. Si c’est impossible, je préfère de loin quelqu’un qui ne m’aime pas, mais qui s’accompagne d’un grand respect. En 2021, le respect en ligne et la réserve semblent des concepts distants. Cette préoccupation pour le respect me vient sans contredit de la figure maternelle dans ma vie. La mairesse du village (et les manques de respect quotidiens) Ma mère a été la première mairesse de l’Abitibi dans un climat de violence et d’une petite municipalité unique (avec beaucoup de suicides et une grande pauvreté). Le sexisme, les tensions et la violence étaient chose courante pour ma famille. Elle était membre du Parti Québécois et une fervente souverainiste. Par-dessus le marché c’était une féministe militante dans une petite ville de quelque 5,000 habitants. Une femme de conviction, de force et surtout de liberté. Avant l’heure elle fréquentait des homosexuels, des gens de toutes les ethnies et nous exposait quotidiennement à de la culture. Sa mesure n’était que la démesure. Elle est attachante pour cette raison (et épuisante). C’est un personnage. C’est d’elle que me vient tout mon sens du spectacle et de la répartie. Il va sans dire que mon enfance était étrange. Le partage entre deux personnages plus grands que nature laisse peu de place pour une enfance typique. Il faut cependant admettre que cette enfance était vraiment magique. La plus belle contribution de ma mère est toute simple, c’est un mélange de respect et de dignité. Mon père était ferme : « Ne t’attache à rien que l’on peut te prendre ou t’enlever » ce qui était donc très stoïque. C’est une partie de l’éducation, mais qui manque de finesse. Ma mère apporta cette finesse par des principes additionnels. La première leçon qu’elle nous transmettait était la suivante : « Peu importe le contexte, tu dois relever la tête et être digne. Tu regardes dans les yeux, tu peux être fier et te tenir droit. Tu peux être pauvre, faible, souffrant, en peine, blessé, affamé, mais tu restes digne »[2]. J’ai toujours trouvé qu’il s’agissait d’une vérité profonde. Combien de personnes possèdent plein de choses sans l’ombre de la dignité ? Pourquoi se laisser abattre avant l’heure ? Pourquoi signaler nos frustrations à tout le cosmos? Pourquoi passer ton temps à juger les autres ? Parce que l’amour est insuffisant. La deuxième leçon essentielle a été la suivante : que ma mère me respectait profondément. Il est évident que notre relation a été ponctuée de conflits et parfois d’ajustements majeurs. Au final la définition du respect était toujours de retour: témoigner une acceptation radicale pour les choix de quelqu’un surtout quand on ne partage pas les idées, les goûts, la manière de vivre ou la vision du monde. L’amour est un moteur, mais sans respect il peut dévorer et mener au pire. Le respect ouvre les yeux sur le monde, sur les autres, sur la prochaine génération, sur le futur, sur la culture, sur ce que l’on doit changer et permet une relation plus saine. C’est ce qui m’a permis de devenir un adulte. Les limites sont de toujours assumer ce que l’on fait, de ne pas faire du mal aux autres et de tenter de se rapprocher du bonheur. On peut donc se questionner, mais jamais se moquer des autres, mépriser ou contrôler. De tous mes amis et pratiquement de toutes les personnes que j’ai rencontrées, j’ai été un des enfants les plus libres et les plus acceptés. Mes croyances politiques, religieuses, mon orientation sexuelle, mes excès, mes questionnements, ma colère contre ce monde capitaliste absurde ont toujours été accueillis. L’implication politique de ma mère a fait en sorte que notre table était parfois partagée par des gens aux convictions politiques variées (des gens de tous les partis politiques sauf le parti libéral). Passer du temps avec des gens qui voient le monde d’une manière complètement différente à la nôtre est vraiment formateur pour apprendre à considérer la perspective des autres. Prof de ballet (parce que c’est beaucoup mieux que de dire « ma mère c’ta une danseuse ») Ma mère était une rigoureuse professeure de ballet classique. Elle contribuait à faire entrer des étudiantes à l’école nationale de ballet. Elle s’entraînait beaucoup et était très fière. Elle organisait des spectacles, des défilés de mode et des événements. Je garde de très beaux souvenirs des chorégraphies, de la musique et de la culture. Des années à porter des pointes Dans mon regard d’enfant, toutes les mères avaient des pieds déformés par la danse. C’est donc ici la discipline du corps, le respect des performances, le dépassement des limites et cette grâce de la danse que rien ne peut imiter. Peu importe l’heure… L’expression de soi! C’est le party! Tous mes amis étaient de fervents admirateurs de ma mère. Elle écoutait de la musique jusqu’au milieu de la nuit. Elle cuisinait des desserts à minuit, écrivait des poèmes, écoutait des films russes ou les œuvres les plus étranges. Tout semblait toujours surnaturel. Comme personnage nocturne, il était commun qu’elle se couche avec le lever du soleil. Elle travaillait fort tous les jours sans broncher malgré les excès, la fatigue et l’énorme caractère du personnage paternel. Elle se donne toujours et encore la permission de s’exprimer et d’être ce qu’elle est. À la maison le quotidien est ponctué de Brassens, Brel, Bartók, des rapsodies hongroises, du piano, de la danse, de Pink Floyd, des Rolling Stones, Satie, de Led Zeppelin, de Moustaki, Mozart, Sting, la danse macabre, Debussy et toutes les collations de jour et de nuit. Pourquoi je garde un souvenir de faire parvenir un bricolage à Georges Brassens ? Pourquoi je chantais la complainte des filles de joie !? Encore aujourd’hui je chante des chansons de Brassens à mon fils pour le conduire au sommeil. Je crois que ma mère m’a fait découvrir le « Port d’Amsterdam » pour me consoler de la vie de village et sema Brassens pour me permettre de canaliser positivement mon rejet de l’oppression sociale organisée. La fois où ma mère bloque une route avec des membres des Premières Nations. Pour de vrai, avec une communauté autochtone locale. C’était beau et nécessaire. Elle a ensuite fait en sorte que la compagnie forestière, les travailleurs et les autochtones trouvent un terrain d’entente pour continuer à vivre, à travailler et à exploiter les ressources naturelles. Tu le sais que tes parents sont uniques quand ta mère t’explique le matin qu’il se peut qu’elle dorme en prison et passe à la télé. Un reportage a effectivement été fait pour la réconciliation. À ce jour ma mère porte toujours des bijoux qui sont autant de cadeaux de ce processus qui favorisa le rapprochement entre deux cultures. Quelqu’un m’écrira sans doute « C’pas ben ben respectueux de bloquer une route ». Tu as raison, c’est une action politique. Après un génocide, des centenaires de mauvais traitements, une situation objective qui est celle que redoute le peuple québécois (la fausse minorité blanche) et des conditions qui inquiètent toujours la communauté internationale, il est possible que les membres des communautés autochtones s’agitent parfois. Quand le dialogue est impossible, la désobéissance civile peut être un outil pour faire respecter une cause. Ce sera le cas du futur mouvement écologiste. La fois du cannabis Possiblement une légende, mais j’ai de sérieux doutes connaissant les personnages en scène. Ce que je sais comme enfant : ma mère trouva une petite colline de cannabis dans les poches d’un de mes frères. Elle décida de jouer un tour à mon père et en glissa une quantité dans ses cigarettes. La légende raconte que mon père fuma ses cigarettes au travail (yes, en pleine école) et qu’il aurait été interpellé par un collègue! WHAT J’ai le souvenir de mon père qui revient du travail et qui semble désorienté. Il va directement se coucher parce qu’il est « trop fatigué ». Même si la leçon derrière cette action me semble difficile à déduire, je sais que mes frères ne se sont plus fait prendre avec des collines verdoyantes. La fois des menaces de mort Comme première mairesse de toute l’Abitibi, ma mère était critiquée sévèrement. Les insultes sexistes étaient communes (la vulgarité était chose commune). Les menaces étaient si fréquentes que moi et mon père sortions peu. Un soir, nous allons voir un film au cinéma (une de mes seules sorties) et pendant notre absence un homme a téléphoné à la maison pour expliquer qu’elle était seule, qu’il la surveillait et qu’il allait possiblement l’abattre avec une arme à feu. Le sentiment unique de revenir à la maison après un film pour trouver des voitures de police. Ma mère est restée solide, digne et fière. Elle a fait plusieurs autres mandats. Elle était comme ça. Elle était parfaite pour tenir tête à mon père. Elle était si ferme en politique que je garde le souvenir du premier ministre du Québec qui téléphone quelques fois à la maison pour lui parler. Parfois pour calmer la situation, parfois pour négocier, parfois parce qu’elle était membre du parti au pouvoir. Rock on. La légende raconte que mon père a retrouvé l’auteur des menaces et a fait en sorte qu’il déménage de notre ville natale. Du fond des épreuves que je traverse, je ne peux que dire merci aux contributions parentales imparfaites et tenter de transmettre le même élan aux enfants qui sont dans ma vie. La force de mon père avec le respect et l’audace de ma mère. Aucune éducation n’est parfaite, mais il faut trouver la paix. Comme m’a dit un jour une grande sociologue « Nous sommes tous abîmés par notre éducation » et comme chantait Cohen « there is a crack in everything, that’s how the light gets in ». [1] JUNG, CG, Psychologie de l’inconscient, Georg éditeur, 1952 [1993], 219 pages. [2] Sans le savoir, elle faisait écho à l’excellent « A man search for meaning » de Viktor Frankl. Un ouvrage incontournable pour comprendre l’importance de maintenir la dignité humaine même dans les pires circonstances. FRANKL, Viktor E., A man search for meaning, Beacon Press, Boston, 1946 [2006] |
AuteurJ'essaie d'inspirer chaque personne que je rencontre. À défaut, je la faire rire ou je l'ignore. Je suis professeur de sociologie au Cégep de Granby depuis quelques années. J'habite également mon corps et ne vois aucune contradiction à combiner la force de l'esprit et celle du corps. Dans le passé, j'ai occupé la fonction de représentant des organismes communautaires de l'Estrie. Mon objectif est de favoriser une prise de conscience par l'entremise de ma discipline et de mes expériences. Archives
Juin 2024
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