Encore un article en deux parties! Voici quelques notes de la conférence du 25 octobre dernier. J’utilise un outil que j’adore, le livre théorique La foule solitaire de David Riesman (voir les références complètes à la suite de cet article). C’est très proche des contenus que je donne dans certains de mes cours. La théorie date un peu, mais comme je l’affirme toujours « les vieux pommiers ne donnent pas de vieilles pommes ». La théorie s’intéresse à savoir comment et pourquoi les sociétés produisent un type de personnalité (un mode de cohésion). Avec audace, Riesman découpe l’histoire en trois catégories (3 sociétés et trois personnalités associées à chacune). Bien que chacun des trois contextes favorise l’émergence d’un type de personnalité spécifique, chaque personne est un mélange unique des trois prédispositions de caractère. Voici donc l’essentiel de mes notes Dans cette théorie, l’organisation sociale est étroitement liée aux nécessités de survie. L’auteur présente une courbe démographique en S, un peu comme ceci : La société au bas de la courbe (représentée par le 1) a seulement un peu plus de naissances que de morts. La deuxième société traverse une explosion démographique tandis que la troisième est celle du début du déclin démographique, c’est-à-dire que l’on fait peu d’enfants.
Par nécessité de survie, les sociétés adoptent des « modes de conformités » de manière largement inconsciente. On veut dire ici que le groupe favorise le type de personnalité jugé le plus adéquat pour sa survie. Chaque personne est composée des trois personnalités types dans l’ouvrage, les individus sont généralement complexes, cependant l’auteur insiste sur le fait qu’un type de personnalité est privilégié par chacune des sociétés. Dernière note du préambule Bien qu’historiquement l’humanité traversa les 3 stades de société, il est ridicule de croire que notre société actuelle est le pinacle de l’évolution. Pendant très longtemps, l’humanité tout entière était dans un univers à détermination traditionnelle qui présente des forces et des faiblesses. Plusieurs sociétés dans notre univers postmoderne sont encore dans ce mode de conformité et je crois qu’il est préférable de bien les comprendre avant de se commettre en jugement. La société à détermination traditionnelle C’est une société dans laquelle les individus côtoient la mort. Il y a généralement un très fort taux de mortalité infantile. C’est une société de carences où l’on manque souvent de tout (nourriture, sécurité, confort, nutriments essentiels, etc.) On meurt donc de ce qui nous manque. Il arrive que cette société permette les infanticides (on peut penser à la cité-État de Sparte) et aussi une forme de suicide ritualisée. La proximité avec la mort tend à provoquer des sentiments religieux très forts. C’est vrai aujourd’hui et c’était également le cas historiquement. La tradition protège généralement un ordre social presque immuable. Il va sans dire que ce type de société est très conservatrice. Les rôles de chaque personne sont très clairement définis. Les rôles sont typiquement liés aux genres, à l’âge et aux rôles que jouaient les parents dans la société. En très jeune âge, l’individu est généralement relativement conscient de la place qu’il occupera dans la structure sociale. Le fils du guerrier est typiquement guerrier et ainsi de suite. L'Éducation et le passage vers l’âge adulte L’éducation se fait par imitation. Les enfants sont souvent ensemble et l’éducation est l’affaire de chacun. L’adage africain « Il faut tout un village pour élever un enfant » provient directement de ce type de société. La socialisation se fait rapidement. Avant d’être capable de se reproduire biologiquement, l’individu sait pratiquement tout ce qu’il doit savoir sur la vie en société (on peut penser à l’âge de raison). Les contes, mythes et légendes sont d’une très grande importance. On transmet de manière orale les comportements souhaitables, des avertissements, des mises en garde, des exemples et de contre-exemples pour le fonctionnement du groupe. La structure des contes traditionnels se retrouve encore dans les films de superhéros d''aujourd'hui, dans Star Wars, chez une partie de Disney et surtout dans les vieux contes. On marque l’entrée dans l’âge adulte par des rites de passage et des initiations. Un rite « imprime son propre destin pour exclure celui des autres » (je paraphrase M.Godelier), c’est-à-dire que ce dernier vient avec la reconnaissance du groupe et un destin (sous la forme d’un rôle très clair à jouer). On reproduit généralement ici une dorme ritualisée que les contes et les croyances entretiennent dans le groupe. Les jeunes sont donc préparés pour ce grand moment qui se solde par des célébrations lorsque les candidats complètent avec succès le rite. Le levier psychologique de ces individus est la honte. Ce type de personnalité craint par-dessus tout de faire honte à sa tradition, sa famille, son clan et ses ancêtres. Je définis souvent rapidement la honte comme « la peur de se voir attribuer une faiblesse à cause d’un comportement ». On peut penser ici à l’exemple extrême des samouraïs et une partie des tribus afghanes. Outre la mort, certaines sociétés traditionnelles offraient des punitions qui s’apparentent à des rituels prenant la forme d’une catharsis collective (une expiation d’une faute individuelle par la collectivité). L’honneur est donc central et il arrive que dans ce type de société on ne distingue même pas la parole de l’action. Donc dire à quelqu’un qu’il mérite la mort peut être l’équivalent d’avoir tenté de tuer la personne. Cette idée est difficile à comprendre dans notre époque où certains se cachent derrière des claviers. C’est une société dans laquelle l’intégration est extrême. Le sociologue Émile Durkheim qualifie ce type de solidarité de mécanique (parce que chaque rôle précis permet d’activer un des rouages essentiels de la société). Chacun y trouve sa place et même les individus avec des problèmes de santé mentale occupent typiquement des rôles au sein du groupe. On peut penser ici aux rôles du « fou du village », aux chamans, aux personnages excentriques des contes de Fred Pellerin ou à une personne comme Madame « Bou » dans l’imaginaire sherbrookois. Sur le rapport au corps Il ne viendrait même pas l’idée à un membre de cette société de « s’entraîner » (dans le sens de fitness) ou de « se remettre en forme ». La plupart des jeux sont une préparation à la guerre ou des jeux qui préparent aux situations de survies. On coopère et la compétition est ritualisée et religieuse. Dans un contexte ou la vie est parfois un sport extrême, c’est un peu ridicule de croire que les gens entretiennent l’idée d’une amélioration du corps. En ce sens, afficher des rondeurs ou une certaine grosseur peut être vue comme un signe de prestige et de statut. Certaines sociétés varient sur ce sujet, mais les rondeurs étaient souvent un signe de fécondité chez la femme et un signe de puissance relative pour l’homme. Dans une société de ce type, on accumule souvent un statut social proportionnellement à la quantité de risques que nous sommes personnellement prêts à prendre pour le groupe. Donc la prise de risque personnel est récompensée. Sources Un organisme fort intéressant Arrimage Estrie arrimageestrie.com/ www.facebook.com/events/1913317478750774/ Un de mes livres préférés : RIESMAN, David et Glazer, Nathan, The lonely crowd, Yale University Press, [1964]2001, 315 pages Taleb, Nassim Nicholas, Skin in the game, Hidden asymetries in daily life, 2017, Random House, 279 pages. Sur les rites de passage Rites de passage, (en ligne) Mirouze, Jean-Pierre, Rites de passage, série image et science : mutations et métamorphoses, voir « Rites de passage », http://videotheque.cnrs.fr/doc=1193, en ligne, consulté le 24 juin 2017.
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AuteurJ'essaie d'inspirer chaque personne que je rencontre. À défaut, je la faire rire ou je l'ignore. Je suis professeur de sociologie au Cégep de Granby depuis quelques années. J'habite également mon corps et ne vois aucune contradiction à combiner la force de l'esprit et celle du corps. Dans le passé, j'ai occupé la fonction de représentant des organismes communautaires de l'Estrie. Mon objectif est de favoriser une prise de conscience par l'entremise de ma discipline et de mes expériences. Archives
Octobre 2024
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