Sur la compétition et ma perception des collègues Voici l’essence de mon travail 1 – Allumer un feu intense Objectifs supplémentaires 2 – Ne jamais laisser s’éteindre le feu 3 – Se retirer en espérant que chacun soit capable de porter ou de fabriquer un feu Objectifs ultimes 4 – Faire comprendre que le feu est en chaque personne et que ton rôle était simplement de faciliter cette découverte 5 – Motiver les personnes à partager la flamme et permettre aux autres de briller à leur tour 6 – Découvrir que tes étudiants ou étudiantes sont devenus bien supérieurs à toi et les regarder fièrement enseigner à la génération suivante Laver, rincer, répéter Semaine 3 : Pour allumer un feu je me maquille dans une présentation sur les sociétés traditionnelles. Notes: le "duck-face" et le signe de gang sont des demandes spéciales de la jeune génération. Sur la compétition Voici un extrait de Christopher Lasch dans l’ouvrage La culture du narcissisme sur le déclin de l’esprit sportif « Aujourd’hui, les gens associent la rivalité à l’agression sans frein; il leur est difficile de concevoir une situation de compétition qui ne conduise pas directement à des pensées de meurtre. » (p.164,l.6)[1] Quand j’affirme que « je veux être le meilleur » et que « j’aime la saine compétition » plusieurs comprennent automatiquement que je tente de les écraser, de les mépriser ou que je veux enlever quelque chose aux autres. Pire : que je crois dans ma propre publicité ou dans les commentaires des étudiantes et étudiants. Les critiques les plus dures affirment que je manque de modestie, que je suis narcissique, égocentrique ou histrionique. Le problème c’est la part de vérité dans la critique. Parce que oui : mon personnage de prof est amoureux de lui-même, sarcastique, relativement égocentrique et il manque de modestie. Mon personnage de professeur est plus grand que nature. C'est un persona, un masque, une construction pour faire face à la foule. C’est la carapace que j’ai pour entrer en interaction dans un monde peuplé d’extrovertis. Je donne un spectacle et quand je suis dans la classe je ne suis pas modeste, ce n’est ni le lieu ni l’endroit. Comme Tyson dans le ring, comme GSP, comme quelqu’un sur scène, comme je vois mon travail, je ne peux pas être modeste pendant le spectacle. Pour trouver l’artisan patient et modeste, il faut que tu viennes dans les coulisses. Parce qu’en classe le personnage est beaucoup trop sarcastique. Je parle parfois du manque de modestie en classe pour absorber les critiques. Voici mes classiques: « Je pourrais être modeste, mais j’ai déjà un trop grand nombre de qualités » « Pour votre information j’ai déjà gagné le concours national de modestie en 2018 et j’ai participé à la demi-finale brésilienne en 2020 » La vérité est la suivante : La dernière session (l’horrible session par Teams), je me suis excusé à chaque groupe pour la faible qualité de mes performances et j’ai pleuré devant 3 de mes classes. Chaque session, je fais évaluer volontairement tous mes cours et je lis avec attention toutes les critiques. Oui, il y a toujours quelqu’un qui veut te marier sans cérémonie et il y a quelqu’un d’autre qui souhaite ta disparition sans avertissement. Et sur les collègues : Quand je parle deux minutes avec un prof d’arts et lettres je découvre que je suis inculte. -Mais je vole toujours des recommandations pour des lectures parce que j’aimerais être aussi cultivé. Deux minutes avec un prof de maths et je sens que je ne suis pas systématique et précis. -Mais j’apprends à mieux réfléchir et être patient devant la complexité, parce que j’aimerais dégager ce calme devant les problèmes complexes. Deux minutes avec quelqu’un des techniques et il est clair que je maîtrise mal des enjeux spécifiques et des méthodes précises (et que dire du don de soi en soins infirmiers). -J’apprends l’empathie et des méthodes spécifiques de travail, parce que j’aime les méthodes précises et le don de soi. Deux minutes avec les profs d’éducation physique et je sens que je manque le sens du jeu et parfois des mouvements. -Parfois je passe pour un prof d’éducation physique, mais il y a toujours des méthodes à améliorer… J’aimerais avoir une expertise dans les mouvements. Deux minutes avec les profs de philo et je sens que je manque de nuances (c’est plus proche d’une minute avec la philosophe Joëlle Tremblay). -J’apprends généralement que les questions qui me hantent ont des racines anciennes, parce que j’aimerais toujours faire les liens nécessaires avec les causes philosophiques des questions. Les profs de bio et de physique c’est encore pire et les profs de langue, et ainsi de suite... -J’ai donc tout à apprendre. Mes collègues en sciences humaines sont tous des experts de certaines facettes de la vie en société que je maîtrise mal. Je suis même à l’aise d’écrire que mes collègues en sociologie sont meilleurs que moi (l’une a une précision chirurgicale et l’autre est toujours galopant de passion en plus de présenter la pluralité des perspectives). - Donc avec autant de collègues compétents je suis l'équivalent d'un nain. Je peux en mettre une dernière couche et expliquer que le personnel de la maintenance m’en apprend chaque fois sur la courtoisie et le savoir-faire. - Tu peux le croire ou non. Alors « qu'est-ce que je fais de spécial, pis en quoi je tente d’être le meilleur ? » Dans le fond : je fais des hamburgers
Alors en quoi je tente « d’être le meilleur? », en ceci : le plus marquant pour les inspirer dans la suite des études. Le mot « inspirer » signifie « mettre de la vie dedans » et quand on le fait c’est un cadeau intense. Donc j’allume des &% »/!? de gros feux. Je paraphrase le musicien George Thorogood en remplaçant ce qu’il disait sur sa musique par le mot « enseignement ». « Je ne suis pas le meilleur enseignant de tous les temps, possiblement même pas un grand enseignant. Mes cours sont plus comme des hamburgers sur un barbecue. Tout ce que je dis c’est ceci : une fois de temps en temps, il n’y a rien de mieux au monde qu’un bon hamburger. » Donc ton alimentation ne devrait pas être constituée uniquement de fast-food. Il est vrai de croire que j’ai besoin des autres et de la permission de faire fonctionner « le barbec » dans mon coin. Une fois que le feu est allumé, que les étudiantes et étudiants sont « en feu » j’ai la conviction qu’ils sont plus disponibles pour les nuances, le calme, les apprentissages lents et mesurés, la patience intellectuelle et la beauté de la quête intellectuelle. Cette beauté est certainement plus accessible avec les autres professeurs. En attendant, on se retrouve autour du barbecue : on sera maquillé, excité de rire, touché de pleurer et on mettra le feu. [1] LASCH, Christopher, La culture du narcissisme, éditions Champs essais, 1979 [2006], 332 pages
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AuteurJ'essaie d'inspirer chaque personne que je rencontre. À défaut, je la faire rire ou je l'ignore. Je suis professeur de sociologie au Cégep de Granby depuis quelques années. J'habite également mon corps et ne vois aucune contradiction à combiner la force de l'esprit et celle du corps. Dans le passé, j'ai occupé la fonction de représentant des organismes communautaires de l'Estrie. Mon objectif est de favoriser une prise de conscience par l'entremise de ma discipline et de mes expériences. Archives
Octobre 2024
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